Articles sur les incidents entre le Cambodge et la Thaïlande.

 

Cambodge-Thaïlande: touche pas à mon temple
Flambée de violence antithaïe à Phnom Penh à cause d'Angkor Vat.

Libération

Par Philippe GRANGEREAU
jeudi 30 janvier 2003

En Thaïlande comme au Cambodge, les nationalismes sont à fleur de peau. Mais rien ne pouvait laisser présager un embrasement aussi abrupt : des centaines de jeunes Cambodgiens en colère ont pris d'assaut hier l'ambassade de Thaïlande à Phnom Penh, incendié et mis à sac deux étages du bâtiment, tandis que la police cambodgienne tirait en l'air pour tenter de les disperser. Les dix diplomates thaïlandais se sont réfugiés dans l'ambassade du Japon et des boutiques thaïlandaises ont été attaquées ailleurs dans Phnom Penh. La tournure des événements a conduit le Premier ministre thaïlandais, Thaksin Shinawatra, à menacer d'envoyer un commando dans la capitale cambodgienne. «Je vous donne une heure pour rétablir le calme», a-t-il dit, avant de renoncer dans la soirée à son ultimatum, après que la fièvre est retombée.

Symbole. Tout serait parti d'un commentaire attribué à la jeune actrice de soap opera thaïlandais, Suwanan Kongying, qui aurait déclaré qu'elle refusait de mettre les pieds au Cambodge tant que le temple d'Angkor Vat (un symbole national figurant sur le drapeau du Cambodge) ne serait pas restitué à la Thaïlande. Cette remarque, dont l'authenticité est mise en doute, avait été publiée un an auparavant par la presse cambodgienne, et vite oubliée. Mais elle vient d'être exhumée et stigmatisée par le Premier ministre cambodgien Hun Sen.

Bévue. L'actrice, de son côté, dément avoir déclaré quoi que ce soit à propos du Cambodge. Il est toutefois possible que la remarque apocryphe ait été dite par l'actrice alors qu'elle jouait l'un de ses personnages, dans une série télévisée diffusée deux ans auparavant... Si les explications avancées sur l'origine de la bévue demeurent confuses, il reste que les contentieux frontaliers entre la Thaïlande et le Cambodge, réglés sur le papier, sont toujours à vif. En 1941, le Cambodge alors protectorat français, avait livré une guerre au Siam, qui cherchait à annexer les provinces de Battambang et Siem Reap, où se trouve Angkor.

 

Désaccord d'Angkor : la colère gagne les rues de Bangkok
Mercredi, les émeutes avaient enflammé le Cambodge.

Libération

Par Arnaud DUBUS
vendredi 31 janvier 2003

Les autorités cambodgiennes ont annoncé hier l'arrestation de 147 «extrémistes» qui auraient participé à la mise à sac et à l'incendie, la veille, de l'ambassade de Thaïlande à Phnom Penh. Apparemment, soucieuses d'apaiser cette crise aussi soudaine que violente entre les deux voisins, elles ont annoncé le versement «sans conditions» à Bangkok de dommages visant à compenser les destructions de la chancellerie et de boutiques thaïlandaises à Phnom Penh. Le responsable de la station populaire radio Abeille, accusé d'avoir «incité la foule à attaquer l'ambassade en diffusant des informations fausses sur la mort de 9 à 10 Cambodgiens à Bangkok» a été arrêté. Les médias cambodgiens et le Premier ministre Hun Sen avaient également relayé des propos prêtés à la jeune actrice thaïlandaise de soap-opera Suwanan Kongying ­ qui a démenti les avoir tenus ­ affirmant que le temple d'Angkor appartenait à la Thaïlande.

«Cerveaux de buffles». Ce sont ces propos qui avaient été à l'origine de la crise mercredi. Crise qui a failli dégénérer hier, cette fois dans les rues de Bangkok. Quelques 3 000 manifestants thaïlandais ont détruit l'enseigne de l'ambassade du Cambodge, brûlé des drapeaux du pays voisin en brandissant des pancartes d'insultes. L'embrasement est devenu manifeste après que des photos de presse des événements de la veille, montrant des Cambodgiens piétinant le portrait du roi Bhumibol, obtenues sur un site Internet, ont été distribuées aux passants et aux automobilistes. Immédiatement, la foule, composée jusque-là d'une centaine de personnes, a grossi : «On a piétiné le portrait du roi !»

«La destruction de l'ambassade thaïlandaise, le drapeau, ce n'est rien comparé à cela. Pour nous, Thaïlandais, c'est inacceptable», s'emporte Akraporn Somtat, employé de banque. En début de soirée, des portraits de Hun Sen, le Premier ministre cambodgien, sont brûlés. Des épithètes fleurissent: «Cambodgiens, cerveaux de buffles», «Cambodge, pays de sauvages.» C'est alors qu'une nouvelle fois, le roi de Thaïlande, Bhumibol Adulyadej, 75 ans, a fait la démonstration de son autorité morale considérable. Par un simple message, il a désamorcé la crise, au moins pour un temps. Le général Sant Sarutanond, chef de la police nationale, a lu un document du secrétariat du roi appelant à la dispersion : «Les Thaïlandais sont des héros aux yeux de la communauté internationale, nous ne devons pas agir comme des bandits.» Après avoir chanté un dernier hymne dédié au monarque, les manifestants sont rentrés chez eux.

Domination. Beaucoup de Thaïlandais se disent particulièrement choqués du sac de leur ambassade à Phnom Penh. Certains habitants de Bangkok n'en concèdent pas moins que l'attitude de leur pays vis-à-vis du Cambodge est parfois «maladroite» : «La Thaïlande exerce une domination économique et culturelle forte au Cambodge. Cela crée du mécontentement et des soupçons», analyse l'historien thaïlandais Charnvit Kasetsiri.

 

Phnom Penh "regrette" la mise à sac de l'ambassade de Thaïlande

Le gouvernement cambodgien a exprimé ses regrets jeudi après la mise à sac la veille de l'ambassade et de compagnies thaïlandaises à Phnom Penh, promettant de mettre un terme aux violences, tandis que Bangkok évacuait ses ressortissants."Nous avons beaucoup de regret de ce qui s'est passé hier", a déclaré le porte-parole du gouvernement Khieu Kanharith à la presse, "nous allons prendre des mesures sérieuses pour arrêter ces violences", a-t-il ajouté alors que les autorités procédaient à une première évaluation des dégâts. A Bangkok, l'armée a indiqué qu'un ressortissant thaïlandais avait probablement perdu la vie dans l'attaque de l'hôtel Royal Phnom Penh, un établissement à capitaux thaïlandais incendié par les manifestants. Le Premier ministre cambodgien Hun Sen a déclaré dans un communiqué que les manifestations avaient dégénéré hors de tout contrôle en raison de la propagation par "un petit groupe d'extrémistes" de rumeurs selon lesquelles l'ambassade du Cambodge à Bangkok avait été attaquée et que des diplomates y avaient été tués. L'ambassadeur du Cambodge Ung Sean a été convoqué jeudi au ministère thaïlandais des Affaires étrangères où il a reçu une note de protestation et s'est vu signifier son expulsion. A minuit mercredi, le Premier ministre thaïlandais Thaksin Shinawatra, le visage défait, avait annoncé que Bangkok rappelait son ambassadeur et expulsait celui de Phnom Penh, alors que les relations "tombaient au plus bas". Les violences et saccages ont été déclenchés par des propos prêtés par la presse en langue khmère à une actrice thaïlandaise selon laquelle les temples d'Angkor Wat appartenaient à la Thaïlande et devaient lui être restitués par le Cambodge. L'actrice a démenti avoir tenu de tels propos mardi, sans effet. Tôt jeudi, la Thaïlande a commencé à évacuer au milieu d'importantes mesures de sécurité plus de 500 de ses ressortissants du Cambodge avec des avions de transport de troupes C-130 Hercules. Les compagnies aériennes Thai Airways International et Bangkok Airways ont suspendu tous leurs vols sur Phnom Penh et l'entrée du territoire était interdite à tout Cambodgien. Le Premier ministre Thaksin a accueilli à l'aéroport de Bangkok le personnel diplomatique de la mission de Phnom Penh et des hommes d'affaires thaïlandais évacués. Ce sont pour l'instant les Thaïlandais résidant à Phnom Penh qui devaient être rapatriés. Jeudi, les rues de Phnom Penh avaient retrouvé leur calme, mais des foules de curieux étaient agglutinées près de l'ambassade et des locaux saccagés de compagnies aériennes, de télécoms ou d'électronique thaïlandaises. Les observateurs ont été surpris par l'ampleur et la violence des protestations. Le Cambodge s'apprête à entrer en période électorale avec des législatives prévues en juillet et les thèmes nationalistes ont toujours été utilisés par les grands partis pour mobiliser l'opinion.

 AFP | 30.01.03 | 05h37

 

Sam Rainsy réfugié à l'ambassade des Etats-Unis

Libération

Par Philippe GRANGEREAU

mercredi 12 février 2003

Le chef de l'opposition cambodgienne s'est réfugié depuis samedi dans l'ambassade des Etats-Unis, ont affirmé, hier à Libération, des sources informées. «Il craint d'être arrêté sous un prétexte ou un autre. Sa vie ne vaudrait pas cher dans les prisons du Premier ministre Hun Sen, qui manipule tout le système judiciaire. Il serait tellement facile de prétexter une tentative d'évasion pour l'abattre», a affirmé l'un de ses proches. Sam Rainsy a été accusé d'avoir encouragé les émeutes anti-thaïlandaises du 29 janvier. Accusations qu'il a retournées contre Hun Sen, en rappelant que celui-ci avait, le 27 janvier, «prononcé un discours à la radio qui était une incitation au racisme et à la violence» contre les intérêts thaïlandais. La mise à sac de l'ambassade de Thaïlande a été, selon Rainsy, «méticuleusement» organisée par Hun Sen. La proximité des législatives du 27 juillet et la possibilité que le Parti Sam Rainsy réalise un bon score au détriment du Parti du peuple cambodgien de Hun Sen ne sont pas étrangères à cette montée de fièvre et de violences.

 

CAMBODGE : le gouverneur de Phnom Penh, Chea Sophara, a été limogé.

ARTICLE PARU DANS L'EDITION DU 12 Février 2003

Le Monde

Le gouverneur de Phnom Penh, Chea Sophara, a été limogé à la suite des violences antithaïlandaises dont la capitale cambodgienne a été le théâtre le 29 janvier. Chea Sophara, qui passait pour étoile montante du parti du premier ministre, Hun Sen, a été nommé ambassadeur à Rangoun. D'autres sanctions pourraient suivre. 56 personnes ont été inculpées à la suite d'une nuit d'émeutes au cours de laquelle les forces de l'ordre ont laissé incendier et piller des biens immobiliers thaïlandais, à commencer par l'ambassade. Hun Sen a accusé des « extrémistes » d'avoir fomenté les désordres, a présenté ses excuses à la Thaïlande et s'est engagé à rembourser les dégâts, estimés à 42 millions d'euros.



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