Les génériques thaïlandais en attente de diffusion

                                ( Libération)

 

Les centaines de copies de médicaments développés ont élargi l'accès aux soins des plus démunis.

Par Arnaud DUBUIS

lundi 26 août 2002

Bangkok de notre correspondant

A 50 ans, Krissana Kraisintu, chef du département de recherche de l'Organisation pharmaceutique thaïlandaise (GPO) depuis vingt ans, a pris la tête d'une croisade : elle veut exporter la technologie de production des antirétroviraux génériques vers l'Afrique. Ce petit bout de femme déborde d'énergie. Elle a développé des centaines de médicaments génériques, élargissant l'accès aux soins à des millions de Thaïlandais démunis. Ces dernières années, la chimiste, formée en Ecosse, s'est concentrée sur la fabrication générique des composants des trithérapies. Avec des résultats spectaculaires : le coût local du traitement est passé de 250 euros par mois au milieu des années 90 à environ 60 euros aujourd'hui. En mars dernier, l'Organisation pharmaceutique a transformé l'essai en annonçant la mise au point d'une pilule unique, baptisée GPOvir, qui combine les trois composants de la trithérapie (névirapine, stavudine et lamivudine) pour un coût mensuel d'à peine 30 euros, un des traitements les moins chers au monde.

En se proposant de transférer son savoir-faire aux Africains, le docteur Krissana a franchi un nouveau pas qui inquiète les multinationales: elles craignent de perdre des marchés potentiels. Le médecin insiste sur le fait qu'elle entend respecter tous les brevets déposés par ces firmes sur des composants de la trithérapie dans les pays visés. Mais les pressions semblent avoir été suffisantes pour refroidir l'enthousiasme des supérieurs hiérarchiques de la bouillante chercheuse.

Qu'importe, celle-ci ne se laisse pas impressionner et se dit prête à aller seule de l'avant. «Si vous vous contentez d'exporter des génériques, ce n'est pas du développement durable, explique-t-elle. La production locale est la seule solution à long terme.» Après avoir démissionné de son poste, elle compte ouvrir «avant la fin de l'année» des centres de production de génériques dans les quatre grandes régions d'Afrique. Le Maroc, le Ghana et l'Ethiopie ont été identifiés comme possibles bases, qui exporteront dans les pays voisins, tandis que le siège de l'«Intiative pour le transfert de technologie pharmaceutique» sera en Afrique du Sud. Loin d'être guidée par des considérations commerciales, la scientifique thaïe défend son projet en termes de solidarité : «La seule chose que la Thaïlande puisse apporter aux pays en voie de développement est son savoir-faire», explique-t-elle.

 

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